
Les bugs de chauffage, l’eau qui coule dans le fourgon ou au contraire qui manque, la banquette qui casse, le patinage sur une route de montagne. Et… bon ça suffit là ! Profite ! Ah mais y’a du vent ! Des déchets, des chiens errants, la boum, fête, teuf, surprise-partie, botellon, le marteau piqueur, l’orage, la canicule, le rotofil, le camion poubelle, la livraison, le tout au milieu de la nuit… Jamais contente !
Si. Je me régale et je sais que le paradis se paie. C’est-à-dire que le paradis m’attend à chaque tournant : le paysage époustouflant, la plage – parfois de sable fin, sans chien, chat, déchets, galets… – Arrête ! -, la campagne, les gens, les sites, les troquets, les chemins sous les oliviers, l’ombre des eucalyptus, les coquelicots sur mon rocher, seule face à la beauté de la mer que je remercie tous les jours, les genêts et toutes les fleurs de printemps…

Et quand je galère, à chaque fois une belle rencontre. Je ne m’en fais donc plus quand je cogne, rogne, éponge sous l’orage, manque d’eau à boire, décharge la batterie, monte une côte impossible et reste bloquée ou me perd au milieu des chèvres sur un piste impossible.

Je n’ai plus d’eau ? Le monsieur que je viens d’aider à désensabler sa voiture, m’indique où trouver une source. Je laisse le contact allumé toute la matinée et vide la batterie ? Tous les estivants se relayent pour trouver les câbles de recharge. J’esquinte un pare-choc ou l’angle du haut du fourgon, d’un côté, de l’autre, ça dépend ? Les garagistes, souvent à deux pas de mon malheur, me trouvent toujours de quoi repartir sans risquer : un peu de joint étanche, des boutons adéquats pour tenir le pare-choc, voire une bonne grosse vis ou du gaffeur de fortune (qui tient encore un an plus tard).
Je patine sur une côte trop forte et trop glissante et ma roue droite chauffe dangereusement ? Un conducteur hors pair, mon paillasson en guise d’anti-dérapant et dix locaux qui poussent me sortent de la misère. J’ai gardé deux contacts dont un qui m’appelle le lendemain car on vient de se croiser sur la route !

L’eau fuit dans le fourgon et je crois la banquette cassée ? Un carrossier, appelé par une bande de mécanos de tracteurs que je sollicite au hasard, fait son job de magicien. Il retord la porte latérale – tordue par mes multiples bignes dans les arbres, sur les poteaux de parking ou de station essence – avec sa pince monseigneur, change le le joint, demande à son aide de tester avec une bouteille d’eau, ça coule, il tort encore, remet le premier joint en place et… plus d’eau ! je suis restée dedans pour subir le test que j’ai fait recommencer trois fois. Les deux messieurs rient de ma joie ! Fort de cette réussite, je n’ose poser la question de la banquette. En une minute, allez deux, l’affaire été réglée. Il fallait juste débloquer le système, toujours à la pince monseigneur, dont la poignée avait été cassée avant que je n’achète la banquette. Le magicien daigne accepter vingt euros mais je garde l’impression qu’il ne voulait rien, juste me rendre service.
J’oubliais (« comme d’habitude ! » disent mes amis qui collectionnent les foulards, livres, sacs, stylos, cartes, tablettes et j’en passe, que j’oublie chez eux. Mon père savait que ma mémoire défaillante est sélective, j’oublie des affaires seulement quand je veux revenir chez les gens. En d’autres termes, si je n’oublie rien chez vous, oubliez-moi). Où en étais-je ? Ah oui, j’oubliais… Port de Venise, embarcadère pour la Grèce ; réservation de bateau en main, sourire au lèvres et, je fouille, refouille et rerefouille, pas de carte d’identité ! Je présente mon permis de conduire et pleure une demi-heure au guichet pour avoir mon billet. En vain si la gardienne du port n’avait pas eu pitié et ne m’emmenait pas faire une déclaration de perte à la police. Et moi, triple buze, je ne trouve rien de mieux que de dire que je l’ai… Oubliée !!! Mais quoi alors, que peut faire la police ? Hein ? Rien !!!! Je réagis, un peu tard, et fais semblant de réfléchir (oui semblant, je ne peux pas faire mieux). En fait, tentais-je de me rattraper au trottoir, je croyais l’avoir mis dans le fourgon et ensuite j’ai cru qu’elle était à la maison. Donc, je l’ai perdue. N’est-ce pas ? Mais les policiers sont trois et ont bien entendu ma première version… Mes yeux de chien battu émeuvent le chef qui m’emmène d’autorité au guichet et force la dame à me donner mon billet avec mon permis de conduire. Ouf ! Oui mais… À l’embarcadère, je risque de ne pas passer et au retour, je fais comment ?
Qu’à cela ne tienne me dit la guichetière amadouée, attendez l’équipe de police de l’après-midi pour faire une déclaration de perte (DE PERTE). Malin, n’est-ce pas ? (Parenthèse, je suis à Venise – oui, Venise, les canaux, les palais, tout ça… – mais au port d’embarquement, très romantique).

Je me demande quand même si je ne pourrais pas faire de belles rencontres sans avoir de galère…